A 5 km au nord de Tournon, dans un petit village paisible, sur un coteau dominant la vallée du Rhône, se dresse une belle église aux allures de forteresse, édifiée entre les XIe et XIIe siècles. Aussi, l’église Saint-Martin de Vion est bien plus qu’un simple édifice religieux. C’est une porte ouverte sur mille ans d’histoire, un dialogue entre pierre brute et fresques éclatantes, entre moines bénédictins et seigneurs médiévaux. Partons à la découverte de ce joyau ardéchois, où chaque recoin murmure une appartenance profonde au passé.

Une histoire ancrée dans la pierre

Imaginez le XIe siècle : l’Ardèche est une terre sauvage, ponctuée de châteaux et de bourgs naissants. C’est à cette époque que la crypte de l’église Saint-Martin voit le jour, faisant d’elle l’un des plus anciens monuments religieux du département. Un siècle plus tard, au XIIe, les moines de l’abbaye Saint-Martin d’Ainay, venus de Lyon, posent les bases de l’église romane que nous admirons encore. Ils héritent du site grâce à une donation des comtes d’Albon, puissants seigneurs du Dauphiné – un lien confirmé par une bulle papale de 1153. On raconte même que l’église aurait été bâtie sur les ruines d’un ancien château, ce qui expliquerait sa silhouette altière surveillant les vignobles de Saint-Joseph et les vergers en contrebas.

Mais l’histoire de Saint-Martin ne s’arrête pas là. Au XIXe siècle, l’édifice connaît une renaissance spectaculaire : la nef romane est remplacée par une triple nef romano-byzantine, ornée de fresques vibrantes et de voûtes en croisées d’ogives. Un souffle nouveau, inspiré par des chefs-d’œuvre comme Fourvière à Lyon, qui marie héritage médiéval et audace victorienne.

Une architecture qui raconte

Dès le premier regard, l’église intrigue. Son chevet roman, avec son abside polygonale et ses deux absidioles en forme de petites tours, évoque presque une forteresse. À l’intérieur, un escalier creusé au centre de la nef permet d’accéder à la crypte semi-enterrée – une « crypte de correction » pour épouser la pente –, chapelle d’un ancien château fort, sur laquelle a été bâtie l’église actuelle. Elle abrite un sarcophage transformé en autel, deux cuves baptismales en grès d’origine très ancienne (XIe ?), une vasque sculptée, peut-être romaine, ornée de têtes humaines et d’un bélier, et de très intéressants chapiteaux carolingiens. Certains murmurent que des cours d’eau souterrains y coulent encore, ajoutant une touche de mystère.

Remontez dans la nef, et c’est une explosion de couleurs : les fresques néo-byzantines du XIXe siècle côtoient des chapiteaux sculptés de scènes bibliques – l’arrestation du Christ, la Vierge des Douleurs – et de motifs végétaux symboliques. Une statue de la Vierge en Pietà en bois polychrome du XVIe siècle, émouvante dans sa simplicité, rappelle la ferveur mariale du Moyen Âge. Egalement une statue de saint Roch du XVe siècle. Chaire sculptée ornée des quatre Evangiles et de la colombe de la Paix. Dans le choeur, colonnes d’époque romane avec quatre magnifiques chapiteaux historiés et colorés. Ici, chaque détail est une invitation à décrypter les croyances et les savoir-faire d’époques révolues.

Un patrimoine vivant… mais en pause

Classée monument historique depuis 1910, l’église Saint-Martin est un trésor reconnu. En temps normal, elle ouvre ses portes les dimanches d’été (15h-18h, de juillet à septembre) et propose des visites guidées sur rendez-vous. Hélas, depuis le 26 mai 2023, un arrêté municipal interdit temporairement l’accès pour des travaux électriques. Une pause nécessaire pour préserver ce lieu unique, qui attend patiemment de retrouver ses visiteurs.

Pourquoi Vion résonne encore

L’église de Vion, c’est une histoire d’appartenances multiples : à l’Ardèche, au Dauphiné, aux moines bénédictins qui l’ont façonnée. C’est aussi un panorama à couper le souffle sur la vallée du Rhône, une halte idéale pour les amoureux du patrimoine et les curieux de passage. Quand elle rouvrira, ne manquez pas de gravir ses marches. Vous y trouverez un condensé d’histoire, de foi et de beauté brute – un écho du passé qui continue de vibrer dans le présent.