Le 15 octobre 879, le château de Mantaille, situé près d‘Albon, Berceau du Dauphiné, dans l’actuelle Drôme, fut le théâtre d’un événement déterminant pour l’histoire médiévale européenne : l’élection de Boson V de Provence en tant que roi de Bourgogne. Cette élection, orchestrée par une assemblée de seigneurs et d’ecclésiastiques, marque une rupture significative avec la tradition carolingienne et illustre les dynamiques politiques complexes de l’époque.
Contexte historique de l’assemblée de Mantaille (879)
En octobre 879, une crise de succession secoue la Francie de l’Ouest à la mort de Louis II le Bègue (dernier souverain carolingien direct). Profitant de la minorité des fils de Louis, le puissant duc Boson V de Provence (comte de Vienne et d’Autun, gouverneur de Provence) convoque une assemblée le 15 octobre 879 au château de Mantaille (près d’Albon, en Viennois). Cette réunion – parfois appelée concile ou synode de Mantaille – rassemble les grands seigneurs laïcs et ecclésiastiques de la région des vallées du Rhône et de la Saône. Sous la présidence de l’archevêque Otrand de Vienne, ces nobles et prélats proclament Boson roi, fondant ainsi le royaume de Provence (ou de Bourgogne). Il s’agit de la première « élection libre » d’un roi franc sans considération de descendance carolingienne. Ce contexte exceptionnel explique la composition même de l’assemblée : une coalition d’évêques influents et de seigneurs locaux, dont le soutien confère à Boson une légitimité religieuse et politique inédite.
Le lieu : Château de Mantaille, près d’Albon
Le château de Mantaille, situé dans la vallée de Bancel, à proximité d’Albon et de sa Tour, futur berceau du Dauphiné, est à l’époque un site fortifié et stratégique. Implanté sur un territoire reliant la vallée du Rhône aux régions alpines, Mantaille symbolise le carrefour des influences politiques, militaires et religieuses. Ce lieu, au cœur du royaume de Provence et des terres bourguignonnes, est choisi pour abriter un événement majeur de l’Histoire : l’élection de Boson V comme roi de Burgondie.
Le personnage central : Boson V de Provence, un ambitieux stratège
Boson V, également connu sous le nom de Boson de Vienne, issu d’une puissante famille aristocratique, est le beau-frère de Charles le Chauve et un ancien proche des derniers rois carolingiens. Titulaire de nombreux titres, dont ceux de duc de Provence et de comte de Vienne, Boson incarne l’émergence de l’autonomie féodale face à un empire carolingien en déclin. Son mariage avec Ermengarde, fille de l’empereur Louis II d’Italie, renforce ses liens avec la dynastie carolingienne et légitime ses ambitions royales. Sa proclamation comme roi marque un tournant dans la montée des seigneurs locaux, capables de rivaliser avec l’autorité impériale, et reflète le basculement vers une société féodale.
Les évêques présents à Mantaille
L’assemblée de Mantaille réunit un nombre remarquable de prélats, signe du rôle déterminant de l’Église dans cette élection. On dénombre plus de vingt évêques et abbés issus de Bourgogne et de Provence, dont voici les principaux :
- Otrand, archevêque de Vienne – Métropolitain du Viennois (Bourgogne). Il préside le concile et figure au premier rang des électeurs. Son diocèse de Vienne correspond au cœur du pouvoir de Boson, et sa présidence garantit la caution ecclésiastique locale.
- Aurélien, archevêque de Lyon – Primat des Gaules, il est l’un des artisans majeurs de la royauté de Boson. Originaire de Lyon (Bourgogne), il confère à l’élection un appui religieux de premier plan. Aurélien figure au premier rang des prélats qui offrent la couronne au duc Boson. Des sources suggèrent même que c’est peut-être lui qui sacra Boson à Lyon par la suite, soulignant son influence décisive dans la légitimation du nouveau roi.
- Théotrand, archevêque de Tarentaise – Métropolitain des Alpes (siège en Tarentaise, Bourgogne cisjurane). Sa présence illustre le ralliement des régions alpines bourguignonnes. En apportant son suffrage, Théotrand étend l’assise géographique du soutien ecclésiastique de Boson.
- Rostagnus, archevêque d’Arles – Métropolitain de Provence (siège d’Arles). Originaire du bas-Rhône, Rostagnus représente l’Église provençale. Son adhésion signale que le sud du royaume (Arles, Provence) se joint au mouvement en faveur de Boson. Cela donne à l’élection un caractère interrégional, unissant Bourgogne et Provence.
- Théodoric (Dietrich), archevêque de Besançon – Métropolitain de la Bourgogne transjurane (siège de Besançon). Bien que Besançon soit plus au nord-est, Théodoric est présent, témoignant de l’ampleur de l’appui épiscopal à Boson jusque dans la haute Bourgogne.
- Adalgaire (Adalgar), évêque d’Autun – Évêque du diocèse d’Autun en Bourgogne. Adalgaire est officiellement partie prenante de l’assemblée, mais représenté sur place par son archidiacre (on note la présence du chanoine Geilon de Tournus agissant en son nom). Ce soutien d’Autun, grand évêché bourguignon, reflète l’alliance de Boson avec l’Église d’Autun. Geilon, abbé de Saint-Philibert de Tournus (en Autunois), deviendra lui-même évêque de Langres par la suite, signe de la promotion des fidèles de Boson.
- Ratbert, évêque de Valence – Originaire du Valentinois (Provence/Bourgogne méridionale). Son diocèse couvre une partie stratégique de la vallée du Rhône. En participant à l’élection, Ratbert confère l’appui de l’Église du Valentinois, importante pour le contrôle du couloir rhodanien.
- Bernon (ou Berner), évêque de Grenoble – Prélat du Grésivaudan (Dauphiné). Sa présence apporte le soutien de l’Église dauphinoise. Bernon renforce l’assise de Boson sur les Alpes et la moyenne vallée du Rhône.
- Élies, évêque de Vaison-la-Romaine – Évêque d’un ancien évêché de Provence (Comtat). Par Élies, c’est l’Église du comtat Venaissin et de la moyenne Provence qui adhère à l’élection.
- Henri, évêque de Die – Prélat du diocèse de Die (Diois, en Provence/Drôme). Henri représente l’Église du Haut-Dauphiné. Sa participation confirme le ralliement des prélats de la haute Provence et du Dauphiné méridional.
- Adalbert, évêque de Maurienne – Évêque de Maurienne (Savoie). Adalbert apporte la voix d’un diocèse alpin traditionnellement lié à la Bourgogne. Sa présence illustre l’adhésion des régions savoyardes à Boson.
- Biraco, évêque de Gap – Évêque de Gap (Alpes du sud, Provence). Biraco représente l’Église du comté de Gap, zone charnière entre Dauphiné et Provence. Son vote souligne l’extension du soutien jusqu’aux confins sud-est du royaume.
- Eustorgius, évêque de Toulon – Prélat de Toulon (Provence côtière). Eustorgius symbolise l’appui de l’Église de la côte méditerranéenne. Sa présence ancre la légitimité de Boson jusque sur le littoral provençal.
- Girbald, évêque de Chalon-sur-Saône – Évêque de Chalon (Bourgogne). Girbald fait le lien avec la Bourgogne du nord (région de la Saône). Son soutien est important pour rallier la haute Bourgogne cisjurane (Chalon, Mâcon) à Boson.
- Jérôme, évêque de Lausanne – Prélat du diocèse de Lausanne (Bourgogne transjurane, actuel Suisse). Par Jérôme, l’assemblée inclut un représentant de l’extrême nord-est du futur royaume. C’est notable, Lausanne relevant du royaume de Haute-Bourgogne : sa présence reflète l’attrait de Boson au-delà de la Provence cisjurane.
- Richard, évêque d’Apt – Évêque d’Apt (Provence). Richard apporte le concours de l’Église du comtat d’Apt (Provence centrale).
- Guntard, évêque de Mâcon – Prélat de Mâcon (Bourgogne). Guntard est le représentant d’un des grands diocèses de Bourgogne du nord. Sa voix signifie que la Bourgogne mâconnaise est impliquée dans l’élection.
- Etherius (Aetherius), évêque de Viviers – Évêque de Viviers (Vivarais, Provence). Etherius représente l’Église du Vivarais (basse vallée du Rhône). Son adhésion confirme le soutien du Languedoc occidental et du Vivarais à Boson.
- Léodoin, évêque de Marseille – Prélat de Marseille (Provence). Léodoin apporte l’appui de l’importante cité épiscopale de Marseille. La participation de Marseille, métropole portuaire de Provence, renforce la légitimité de Boson dans tout le sud-est.
- Girmard (Germard), évêque d’Orange – Évêque d’Orange (Provence). Girmard signale que l’Église d’Orange (Provence rhodanienne) se joint à l’élection.
- Ratfried (Ratfred), évêque d’Avignon – Prélat d’Avignon (Provence). Ratfried représente l’Église d’Avignon, autre siège majeur de Provence. Sa présence souligne l’adhésion de la basse Provence rhodanienne.
- Walafrid, évêque d’Uzès – Évêque d’Uzès (Languedoc oriental, province de Narbonne). Walafrid est un cas notable, car Uzès est hors de Bourgogne-Provence stricto sensu (plutôt en Francie occidentale). Sa présence suggère l’attraction exercée par Boson sur des zones voisines du nouveau royaume.
- Edold, évêque de Riez – Prélat de Riez (Haute-Provence). Edold apporte le soutien de l’Église de Riez (Provence orientale), achevant de couvrir quasiment tous les évêchés de Provence.
- Leoboin (Léobon), chorévêque de Lyon – Assistant épiscopal (évêque auxiliaire) de Lyon. Leoboin est explicitement mentionné parmi les participants. En tant que chorévêque, sa présence aux côtés d’Aurélien de Lyon atteste de l’implication active de l’Église lyonnaise.
- Geilon, abbé de Tournus – Abbé laïc de Saint-Philibert de Tournus (en Bourgogne, Autunois). Geilon est un proche de Boson et représente l’évêque d’Autun lors de l’assemblée. Son rôle montre la participation du haut clergé régulier (moine-abbé), allié aux évêques dans le soutien à Boson. Geilon, conseiller influent, illustre l’appui monastique dont bénéficie Boson – il sera récompensé en devenant évêque (de Langres) quelques années plus tard.
- Manno, prévôt de Saint-Oyend – Manno est le prévôt de l’abbaye de Saint-Oyend de Joux (abbaye jurassienne). Il fait partie des ecclésiastiques présents, sans être évêque. Sa présence témoigne de l’influence de Boson jusqu’au sein des chapitres et abbayes bourguignons.
En résumé, l’élection de Boson à Mantaille réunit un large synode ecclésiastique : quatre archevêques métropolitains (Vienne, Lyon, Arles, Besançon) entourés de nombreux évêques suffragants couvrant l’ensemble du territoire de la Bourgogne cisjurane et de la Provence. Cette unanimité apparente de l’Église régionale n’était pas fortuite : elle conférait à Boson une aura de roi élu par la volonté de Dieu, via ses représentants que sont les évêques. Ces prélats, exerçant une forte influence spirituelle et politique localement, légitiment Boson aux yeux des populations chrétiennes du royaume naissant.
Les nobles laïcs présents à Mantaille
Bien que le récit de l’assemblée mette surtout en avant les évêques (les actes officiels listent principalement les signatures ecclésiastiques), de puissants seigneurs laïcs de Bourgogne et de Provence étaient également présents ou représentés à Mantaille. L’historiographie évoque ces laïcs comme les principes ou optimates (« premiers » nobles) du royaume. Leur adhésion était indispensable pour donner à l’élection une assise politique. Parmi eux, on peut identifier :
- Boson de Provence lui-même – Boson V, comte de Vienne, d’Autun et duc de Provence, est bien sûr présent en tant que candidat à la royauté. Issu de la puissante famille des Bosonides (d’origine franca et liée aux Carolingiens par mariages), il jouit d’un vaste réseau de fidélités. Son rôle à l’assemblée est central : il est patricius des lieux et bénéficiaire du serment des participants. Boson avait préparé le terrain politique en se déclarant indépendant dès l’été 879 (Dei gratia, par la grâce de Dieu) et en obtenant même le soutien du pape Jean VIII (qui l’aurait nommé fils adoptif en 878). À Mantaille, Boson reçoit formellement le titre de roi de la part des évêques et nobles présents.
- Richard le Justicier – Richard d’Autun, comte d’Autun (puis futur duc de Bourgogne), est généralement considéré comme le frère de Boson. Originaire du même lignage (Bosonides), il détient des possessions en Bourgogne (Autunois, Mâconnais). En 879, Richard est un appui capital pour Boson : il figure vraisemblablement parmi les grands laïcs de Mantaille soutenant l’élection. Sa présence (bien que non nommée explicitement dans les actes) est suggérée par son rôle ultérieur dans le royaume de Boson – Boson le nommera comte d’Autun vers 880. Richard apporte le soutien militaire et familial indispensable à la crédibilité du nouveau roi. (Ironiquement, quelques années plus tard en 882, Richard changera de camp et assiégera Boson à Vienne pour le compte des Carolingiens, mais en 879 il est encore son proche allié.)
- Théobald, comte d’Arles – Théobald d’Arles (dit aussi Thibaut) est un noble provençal de la famille bosonide (cousin ou parent de Boson, fils du marquis Hucbert). En 879, il est comte d’Arles, important fief de Provence. Théobald aurait pris part à l’assemblée en tant que principal seigneur de Provence, aux côtés de l’archevêque d’Arles. Son ralliement garantit l’appui de l’aristocratie provençale à Boson. Par son biais, la puissante cité d’Arles et sa région reconnaissent le nouveau roi, consolidant l’autorité de Boson dans tout le Midi.
- D’autres seigneurs bourguignons et provençaux – Outre Richard et Théobald, l’assemblée réunissait vraisemblablement divers comtes, marquis et vassaux majeurs du sillon Rhône-Saône. Les comtes de Mâcon ou de Chalon (dont le territoire relevait de la Bourgogne cisjurane) ont sans doute participé, étant donné la présence de leurs évêques. De même, des nobles du Viennois, du Lyonnais et du Dauphiné étaient probablement présents aux côtés de Boson, bien que leurs noms ne soient pas conservés dans le texte. Les actes évoquent collectivement ces laïcs comme les fidèles et amis de Boson. Leur rôle fut de prêter serment à Boson et de cautionner son autorité temporelle. Cette aristocratie, en s’alliant à Boson, entend affirmer son pouvoir face aux Carolingiens et obtenir du nouveau roi la confirmation de ses privilèges.
En somme, la composante laïque de Mantaille regroupait l’élite régionale du royaume de Boson. Si les sources nomment peu ces nobles individuellement, leur poids n’en fut pas moins crucial. Ils apportaient force armée, assise territoriale et prestige dynastique. Le soutien de Richard d’Autun incarnait l’alliance bourguignonne, tandis que celui de Théobald d’Arles scellait l’alliance provençale. Ensemble, ces seigneurs conféraient à Boson une légitimité politique et militaire : ce n’était pas seulement l’Église qui le voulait roi, mais aussi les représentants du peuple franc (à travers son aristocratie).
Une élection légitimée par la composition de l’assemblée
Le profil des participants de Mantaille explique en grande partie la légitimité (ou du moins l’acceptabilité) de l’élection de Boson V de Provence comme roi. N’étant pas de sang carolingien, Boson aurait pu passer pour un usurpateur aux yeux de beaucoup. En effet, la tradition franque du IX^e siècle réservait normalement la royauté aux descendants de Charlemagne. Boson ne tenait sa connexion aux Carolingiens que par son mariage avec Ermengarde (fille du défunt empereur Louis II d’Italie et petite-fille de Charlemagne). Conscient de cette faiblesse dynastique, Boson s’est appuyé sur deux piliers pour légitimer sa couronne : l’Église et les nobles du royaume.
D’une part, l’impressionnante réunion d’évêques à Mantaille donne à son élection une onction quasi sacrale. Les chroniques soulignent qu’il s’agit d’un choix inspiré par Dieu, « à l’instar des élections canoniques dans l’Église ». Les prélats ont appliqué à la royauté les principes ecclésiastiques d’élection libre, habituellement utilisés pour désigner un évêque. Autrement dit, Boson est présenté comme élu par la grâce divine au moyen du suffrage de l’Église, plutôt que par héritage sanguin. Le procès-verbal de l’assemblée insiste sur les vertus chrétiennes de Boson, seul capable de « protéger l’Église » en ces temps troublés. En exaltant la piété, la justice et la défense de la foi par Boson, les évêques justifient qu’un tel homme soit élevé à la dignité royale pour le bien commun de la chrétienté de Bourgogne-Provence. Cette rhétorique religieuse – appuyée par la présence des métropolitains de Lyon, Vienne, Arles, etc. – confère à Boson une légitimité spirituelle aux yeux des clercs et des fidèles. L’archevêque Aurélien de Lyon, en particulier, aurait joué un rôle clé en sacralisant le pouvoir de Boson (probablement en le sacrant roi à Lyon)
D’autre part, la participation des grands nobles locaux assure à Boson une légitimité politique. Le fait que les seigneurs de Bourgogne cisjurane et de Provence aient librement « choisi » Boson démontre une adhésion du corps social laïque. Cette alliance aristocratique est cruciale : elle signifie que Boson est accepté comme souverain par ceux qui détiennent le pouvoir temporel dans les provinces. En termes de réalités féodales, ces comtes et ducs vont reconnaître son autorité, ce qui stabilise immédiatement son règne. Leur présence à Mantaille scelle un pacte de fidélité mutuelle : Boson promet de gouverner justement et de défendre l’Église, tandis que ses fidèles jurent obéissance. Cette coopération entre le roi et ses aristocrates rappelle les contrats de vassalité naissante, et elle est essentielle pour que le royaume de Provence soit viable. Notons que la chronique de l’époque (Regino de Prüm) rapporte que Boson considérait les fils de Louis II le Bègue comme indignes de régner, et s’appuya sur le soutien des grands du royaume pour se faire élire. L’assemblée de Mantaille est précisément l’expression de ce soutien. Elle témoigne du pouvoir croissant de l’aristocratie à la fin du IX^e siècle, capable de « faire les rois » en dehors de la lignée impériale
La légitimité de Boson, bien qu’innovante, repose donc sur un contrat implicite avec ces grands seigneurs : ils lui donnent la couronne, il leur garantit leurs privilèges et la protection du royaume.
Enfin, la composition de l’assemblée – mariage d’intérêts spirituels et temporels – est intimement liée à la question de légitimité. Boson est le premier roi non carolingien en Francie occidentale depuis plus d’un siècle, et cela n’a pu être possible qu’en réunissant ces deux soutiens : « le trône épiscopal et l’épée du comte » en quelque sorte. L’élection de Mantaille a ainsi une portée symbolique forte : elle inaugure l’idée qu’un roi peut être élu par acclamation des Grands, anticipant ce qui deviendra plus fréquent dans les siècles suivants. La présence massive des évêques confère une onction sacrée, tandis que l’assentiment des nobles garantit l’acceptation sur le terrain. Cette double approbation donne à Boson une légitimité renforcée, même si, dans les faits, son royaume sera contesté militairement peu après par les Carolingiens.
En conclusion, l’assemblée de Mantaille du 15 octobre 879 est un événement où se côtoient influence religieuse et pouvoir aristocratique pour faire émerger un nouveau roi. Les évêques – de Vienne, Lyon, Arles, Besançon et de nombreux autres diocèses – apportent à Boson V de Provence l’autorité spirituelle nécessaire pour justifier son avènement, tandis que les nobles bourguignons et provençaux présents lui apportent la force politique et militaire. Cette coalition, reflet de la société carolingienne finissante, a permis à Boson de se poser en souverain légitime d’un royaume de Bourgogne-Provence indépendant, ouvrant une page originale de l’histoire médiévale. Les noms des participants – qu’ils soient évêques saints ou seigneurs puissants – sont ainsi indissociables de la naissance et de la légitimation du royaume de Provence sous Boson.
EN RESUME : élection d’un roi indépendant
Le 15 octobre 879, une assemblée de nobles et d’évêques se réunit au château de Mantaille. Ce rassemblement politique exceptionnel, organisé après la mort de Louis II le Bègue (fils de Charles le Chauve), scelle le destin de Boson : il est élu roi de Burgondie par acclamation.
Contexte politique :
- Désintégration de l’Empire carolingien : Avec la mort de Louis le Bègue, l’empire se fragmente. Les successeurs légitimes sont des enfants en bas âge, incapables d’imposer leur autorité.
- Montée en puissance des seigneurs locaux : Les grandes familles aristocratiques, comme celle de Boson, contestent de plus en plus le pouvoir central et cherchent à fonder leurs propres royaumes.
- Rôle des évêques : Boson bénéficie du soutien des évêques, qui voient en lui un protecteur de l’Église dans un contexte marqué par l’insécurité et les luttes de pouvoir.
Les conséquences :
L’élection de Boson est un acte inédit à l’époque :
- Une rupture avec la tradition carolingienne : Boson devient le premier roi élu, sans lien direct avec les Carolingiens, brisant la dynastie impériale.
- Un précédent politique : L’élection de Boson établit un précédent pour la désignation de monarques par des assemblées de nobles et d’ecclésiastiques. Cette élection légitime l’idée que les seigneurs et évêques locaux peuvent s’autodéterminer, un jalon dans la formation des royaumes médiévaux autonomes, influençant les pratiques politiques futures en Europe.
- Formation du royaume de Bourgogne et Consolidation du pouvoir régional : Le royaume de Boson, centré sur Vienne, Lyon et la vallée du Rhône, établit une unité politique durable dans le sud-est de la France. Sous son règne, le royaume de Bourgogne, également appelé royaume de Provence ou Bourgogne cisjurane, consolide son identité territoriale et politique.
Ainsi, l’événement du 15 octobre 879 au château de Mantaille illustre les transformations politiques majeures de l’époque et souligne le rôle central de la région d’Albon dans l’histoire médiévale française.
L’impact sur Mantaille et Albon
L’élection de Boson fait de Mantaille un lieu emblématique de l’émancipation politique des territoires locaux. À travers cet événement, le Comtat d’Albon joue un rôle clé dans la reconfiguration de la carte politique européenne :
- Une région stratégique : Mantaille, proche d’Albon, est le théâtre de cette transformation, incarnant le passage d’un pouvoir centralisé à une fragmentation féodale.
- Héritage historique : Ce couronnement marque la naissance du royaume de Burgondie, qui influencera la construction de la France et de la Bourgogne au cours des siècles suivants.
- Rôle du Comtat d’Albon : À l’époque, Albon et ses environs forment un carrefour de communication entre les royaumes carolingien, burgonde et provençal, renforçant leur importance politique et économique.
Le château de Mantaille aujourd’hui
Aujourd’hui, le château de Mantaille est en ruines. Les vestiges, situés sur la commune d’Anneyron, témoignent de l’importance historique du site. Actuellement, seul un passionné d’Histoire Dauphinoise, Jérôme Martin alias Le Mantaillard, se préoccupe du site. Le château est parfois associé à la légende de Barbe-Bleue, bien que cette association soit sujette à caution.
Glossaire
- Carolingien : Relatif à la dynastie fondée par Charlemagne, qui régna sur une grande partie de l’Europe occidentale du VIIIᵉ au Xe siècle.
- Bivinides : Famille noble franque dont est issu Boson V de Provence.
- Concile : Assemblée d’évêques et de dignitaires ecclésiastiques délibérant sur des questions doctrinales, disciplinaires ou politiques.
- Bourgogne cisjurane : Royaume formé après l’élection de Boson, correspondant approximativement à la Bourgogne actuelle et à la vallée du Rhône.
Liens utiles
- Biographie de Boson de Provence sur Wikipédia
- Article sur le concile de Mantaille sur Wikipédia
- Informations sur le château de Mantaille
Biographies des personnages principaux
Boson V de Provence (v. 844 – 11 janvier 887)
Né vers 844, Boson est le fils de Bivin de Gorze, comte d’Ardennes. Il devient comte de Vienne et duc de Provence. En 876, il épouse Ermengarde, fille de l’empereur Louis II d’Italie, renforçant ainsi ses liens avec la dynastie carolingienne. Le 15 octobre 879, il est élu roi de Bourgogne lors du concile de Mantaille. Son règne est marqué par des conflits avec les héritiers carolingiens et d’autres seigneurs locaux. Il meurt le 11 janvier 887.
Ermengarde d’Italie (v. 852 – après 896)
Fille de l’empereur Louis II d’Italie, Ermengarde épouse Boson en 876. Son mariage avec Boson consolide les ambitions royales de ce dernier. Après la mort de Boson, elle joue un rôle actif dans la défense des intérêts de leur fils, Louis l’Aveugle, qui deviendra empereur.
Louis III (v. 863 – 5 août 882) et Carloman II (v. 866 – 6 décembre 884)
Fils de Louis II le Bègue, ils règnent conjointement sur la Francie occidentale après la mort de leur père en 879
Sources : Les informations ci-dessus s’appuient sur des sources historiques fiables, notamment les actes du concile de Mantaille conservés dans les Monumenta Germaniae Historica, les travaux d’historiens modernes et les chroniques de l’époque. L’article de Julie Roux (2002) sur le haut Moyen Âge bourguignon corrobore la liste des prélats présents. La Gallia Christiana et les Fastes épiscopaux confirment les titulaires des sièges épiscopaux en 879. Enfin, les études récentes soulignent que l’assemblée de Mantaille illustre la montée en puissance de l’aristocratie et du clergé dans le jeu politique de la fin du IX^e siècle
books.openedition.org, la légitimité du règne de Boson reposant sur cette alliance du trône et de l’autel. Les sources contemporaines, telles que la chronique de Regino de Prüm et une lettre du pape Jean VIII, apportent un éclairage supplémentaire sur le contexte et les motivations des acteurs de cette élection royale hors norme.
Références :
- Actes de l’assemblée de Mantaille, MGH, Capitularia II, 879 (traduction commentée par Salutem Mundo).
- Abel Hugo, Histoire générale de la France…, Delloye, 1857 – mention du concile présidé par l’archevêque de Vienne.
- Regino de Prüm, Chronicon (vers 908) – récit de l’élection de Boson (évoquant l’absence de roi légitime et le rôle des grands du royaume).
- J. Roux, Le haut Moyen Âge – Bourgogne, éd. MSN, 2002 – sur l’assemblée de Mantaille et ses participants.
- Histoire du christianisme à Lyon (Portail Lyon – Wikipédia) – sur le rôle de l’archevêque Aurélien de Lyon en 879fr.wikipedia.org.
- Fournier, Paul. Le royaume de Provence sous les Carolingiens, Annales du Midi, 1902 – analyse du contexte de l’avènement de Boson.
- De Remi Venture et al., La Provence pour les Nuls, 2016 – rappel du lien de Boson avec Charlemagne via Ermengarde.
- Site The Historian’s Sketchpad (salutemmundo) – traduction commentée du protocole de l’élection de Boson, listant les évêques présents et soulignant la conception de la royauté qui en découle.
- OpenEdition, Les pérégrinations de Saint-Philibert (Presses Univ. Rennes) – mention de la présence conjointe de l’aristocratie laïque et ecclésiastique à Mantaillebooks.openedition.org et du rôle de l’abbé Geilon.
- Wikipedia (fr/en) – Articles « Concile de Mantaille », « Boson de Provence » pour synthèse générale, et « Histoire de Lyon »fr.wikipedia.org pour Aurélien.
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Bravo pour cet article bien fouillé. Cette ruine est magnifique, sont histoire et son architecture est vraiment intéressante. j’ai eu l’occasion d’arpenter chaque m2 et on est vraiment devant un édifice magistral. Je serais toujours admiratif de ce lieu et ses mystères. Le potentiel archéologique est énorme, et je ne parle pas du touristique. (même si il faudrait des décennies pour simplement sécuriser et fouiller le lieu). la tâche est colossale mais le potentiel est énorme. je voulais l’acheter, mais une association s’y refusait. après recherche des héritiers par maitre Furnon, il à été vendu à la mairie d’Anneyron. pour moi ce cite est l’archétype du château médiéval.
le Mantaillard
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