Saint-Rambert-dâAlbon, DrĂŽme des Collines
Il est des demeures qui ne doivent rien aux batailles, aux rois ou aux chevaliers.
Le ChĂąteau Loubat, lui, est nĂ© dâune autre force : celle du progrĂšs, du grondement des locomotives et de la fiĂšvre industrielle qui transforma la DrĂŽme au XIXá” siĂšcle.
Ici, la pierre raconte moins la guerre que lâambition humaine, et les façades parlent autant de modernitĂ© que de mĂ©moire.
Le jour oĂč le train changea tout
Lorsquâen 1855, la nouvelle gare de Saint-Rambert-dâAlbon ouvre ses quais, la commune jusque-lĂ tranquille devient un carrefour oĂč convergent voyageurs, marchandises et espoirs de prospĂ©ritĂ©.
Le vieux ChĂąteau des BasaniĂšres, sentinelle mĂ©diĂ©vale fatiguĂ©e, est alors sacrifiĂ© pour laisser la place au monde nouveau. Deux ans plus tard, en 1857, lâindustriel Charles Rignol saisit lâoccasion et acquiert le terrain. Il y voit ce que certains nâaperçoivent pas encore : un lieu dâavenir.
Rignol ne construit pas un chĂąteau pour dominer, mais une demeure pour exister au cĆur de ce souffle moderne.
Le rez-de-chaussĂ©e sâancre dans les galets roulĂ©s de la DrĂŽme ; les Ă©tages sâĂ©lĂšvent en pisĂ©, matĂ©riau humble mais ingĂ©nieux.
Puis, comme un clin dâĆil Ă son ascension sociale, il ajoute un perron monumental et une tour dâescalier qui donne Ă lâensemble une silhouette fiĂšre et singuliĂšre.
Ainsi naĂźt un chĂąteau enfant du rail.

William Loubat, lâhomme qui transforma la demeure en symbole
Trente ans plus tard, le destin du lieu change de voix. En 1887, Emma Rignol Ă©pouse William Loubat, jeune avocat lyonnais promis Ă un rĂŽle majeur dans la vie rambertoise. Trois fois maire, homme de conviction, il façonne la commune autant quâil façonne la maison familiale.
Sous son impulsion, le chĂąteau se pare dâĂ©lĂ©gance :
- une galerie couverte, ouverte sur la lumiĂšre,
- des céramiques bleues discrÚtes mais raffinées,
- des lignes plus harmonieuses, presque méditerranéennes.
Plus tard, son gendre prolongera cette esthĂ©tique en ajoutant une toiture plate Ă lâitalienne, comme si le soleil de la DrĂŽme avait inspirĂ© un dernier geste architectural.
Le chĂąteau devient alors plus quâune demeure : un repĂšre, un tĂ©moin de lâambition dâun homme et de lâessor dâune commune.
Autour du chĂąteau, un quartier qui bouillonne
Ă quelques pas seulement, la gare rythme la vie quotidienne. Wagons de fret, voyageurs pressĂ©s, sifflets de dĂ©part : le quartier sâimpose comme un pĂŽle Ă©conomique en pleine effervescence.
Dans cette atmosphĂšre industrielle, une façade fait face au chĂąteau : la Manufacture de cire Moutinot, rĂ©compensĂ©e en 1894 Ă lâExposition universelle de Lyon.
On y fabrique des cierges de luxe, des produits dâentretien, et surtout une rĂ©putation qui participe Ă lâessor du quartier.
Lâensemble forme un vĂ©ritable paysage de modernitĂ© oĂč le chĂąteau, loin dâĂȘtre un isolat bourgeois, vit au rythme de son Ă©poque.

Un chĂąteau qui ne cesse de renaĂźtre
Le XXá” siĂšcle met Ă lâĂ©preuve bien des bĂątiments ; le ChĂąteau Loubat, lui, sâadapte.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il accueille la Croix-Rouge française. DiscrÚtement, sans fanfare, il devient un refuge et un lieu de solidarité.
Plus tard, en 1965, il entre dans la vie professionnelle en devenant un ensemble de bureaux, avant de se stabiliser dÚs 1985 comme étude notariale.
Cette destination administrative, loin dâappauvrir son histoire, la prolonge :
le chĂąteau demeure un lieu de dĂ©cisions, de transmissions, dâhistoires familiales, mais sous une forme nouvelle.
Aujourdâhui encore, au 16 avenue Pierre-Semard, il veille sur la ville, paisible et solide, mĂȘme si ses portes ne sâouvrent plus au public.

Deux précisions pour ne pas brouiller les récits
- ChĂąteau Loubat â ChĂąteau des BasaniĂšres : le premier est un enfant du XIXá” siĂšcle, lâautre un vestige mĂ©diĂ©val disparu.
- William Loubat â Ămile Loubet : aucun lien entre le maire rambertois et le futur PrĂ©sident de la RĂ©publique, malgrĂ© la ressemblance de leurs noms.
Un témoin discret mais essentiel de la DrÎme des Collines
Le ChĂąteau Loubat nâest ni le plus ancien, ni le plus monumental des Ă©difices de la DrĂŽme.
Mais il possĂšde une autre force :
celle de raconter comment une rĂ©gion sâest transformĂ©e grĂące au rail, comment une ville sâest construite autour dâun nĆud ferroviaire, comment une famille a laissĂ© son empreinte durable.
Moderne dans sa naissance, résilient dans son histoire, vivant dans sa fonction actuelle :
câest un chĂąteau de transition, un chĂąteau de liens, un chĂąteau de territoire.
Un morceau de patrimoine qui nous rappelle que les pierres les plus modestes peuvent devenir les plus parlantes.

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